The Age of Decadence – Alors, on danse ?

19/10/2018

Impossible pour moi de ne pas baver devant The Age of Decadence. Envoûté par Baldur’s Gate, par Fallout (1&2, restons polis) ou Arcanum, quand je vois un jeu de rôle en vue iso qui promet une véritable expérience impitoyable en fonction de ses choix et de son type de personnage, dans un univers profond rappelant l’Empire Romain post-décadence…

On m’a vendu de vraies interactions, des choix cruciaux, une écriture de qualité ; j’ai vu une fin de The Age of Decadence et je ne sais trop quoi en penser. Une seule, parce que comme indiqué plus haut, chaque archétype de personnage propose une aventure distincte, sauf que je n’ai pas eu l’envie même un seul instant de relancer le jeu pour en découvrir un autre aspect. Ouais, on est d’accord, pour critiquer le jeu c’est quand même très moyen. Mais il s’agit de toute façon d’un jeu qui ne plaira pas à tout le monde.

Pour tout vous dire, de tout le jeu je n’ai vu qu’un seul combat, ayant choisi la voie de l’érudisme. Celle où on doit justement tracer sa route en esquivant les lames par la verve de sa prose, manipuler et se mettre les bonnes personnes dans la poche plutôt que de semer la mort derrière soi. Ce qui revient à le faire par personne interposée, mais passons.

N’essayez pas de parler aux passants, ils sont juste là pour faire joli.

Si j’ai apprécié l’ambiance graphique à la découverte, j’en ai vite compris les limites techniques. Les lieux sont complètement vides. Il y a bien des glandus qui trainent dans les rues mais impossible d’interagir avec eux. De temps en temps on tombe sur une porte qu’on peut tenter d’ouvrir, un mec qui veut bien te parler pour essayer de t’arnaquer, et c’est à peu près tout. J’ai ressenti une véritable solitude durant tout le jeu, même lorsque j’ai foulé de mes sandalettes les rues de la capitale.

Le jeu semble donc assez axé sur LA quête principale, qui vous est donnée au début du jeu. Au moins on sait ce qu’on a à faire mais on se sent les pieds sur des rails, les mains attachées dans le dos. L’écriture est en revanche de bonne facture, les intrigues, les motivations, le désespoir de l’univers transparait dans chaque action des protagonistes, personne n’est là dans l’unique but d’aider son prochain et s’il y avait eu plus d’interactions possibles, les quêtes auraient même pu être remarquables. L’inspiration « chute de l’Empire Romain » y est très bien exploitée.

Le marché, avec ses deux vendeurs à qui on peut parler.

Les dialogues avec tests pour voir si son bluff ou sa persuasion a fonctionné sont une bonne idée en soi. Le problème vient du système de progression du personnage : il n’est pas basé sur des niveaux d’expérience mais octroie des points à répartir dans des compétences, plus une subtilité avec des points réservés à certaines catégories : une récompense liée à une manipulation réussie ne pourra par exemple être dépensée dans des compétences de combat. Rien à redire sur la logique, sauf que dans les faits on se retrouve avec des points à attribuer mais pas encore de challenge à y opposer.

Il est très (trop) tentant de sauvegarder avant chaque test, de voir ce qu’il se passe puis le cas échéant de recharger sa partie pour monter la caractéristique qui fait défaut afin de valider l’action / le dialogue. C’est anti-roleplay au possible, mais la frustration engendrée par des points répartis trop tôt qui retirent tout espoir de réussite future n’aide pas à « jouer le jeu ».

Si le fond est intéressant, l’écrin dans lequel il repose le pénalise dans l’expérience de jeu. Encore une fois cela n’est qu’un retour sur une facette de ce que propose The Age of Decadence, mais il reste un goût d’inachevé et de vide tenace lorsque s’affiche l’écran de fin. Le principal souci, si ce jeu est censé se déguster en petites sessions différentes les unes des autres, c’est que cela ne m’a pas donné envie d’aller voir le reste. Le fait que ce ne soit pas un jeu qui prend le joueur par la main n’a pas du aider ; on est pas dans les aventures d’Alix, tenez-vous le pour dit.

J’en connais un qui aurait fini en bas de la muraille sans ses deux gardes du corps.

Techniquement très moyen, avec des graphismes grossiers qui côtoient certains lieux plus réussis, des animations passables et une musique plutôt bonne, AoD ne sera pas sauvé par son apparence. Par contre l’univers qu’il décrit est original et suffisamment bizarre pour être interprété différemment selon les endroits. J’ai vraiment apprécié les jeux de pouvoir, les magouilles, les pourritures qui peuplent ce monde, mais la partie jeu de gestion de ma fiche de perso pour compléter les missions a brisé le charme à plusieurs reprises.

Sorti en octobre 2015 et développé par Iron Tower Studios (qui a par la suite recyclé son système de combat particulièrement punitif dans Dungeon Rats, jeu de combat tactique plein de qualités), The Age of Decadence a une grande force, celle d’être un jeu de rôle et non un hack&slash à XP. J’ai tout de même ressenti un manque de possibilités dans le gameplay et de contenu dans ses environnements, pas assez jolis pour tout compenser. Vendu près d’une vingtaine d’euros sur Steam, je vous donnerais le même conseil que les développeurs : essayez-le avant d’acheter, il y a une démo faite pour ça.