Hard West – Un peu plus à l’ouest

Le far-west, les six-coups, les indiens, les bandits et les pionniers : voilà bien un sujet qui n’a pas déjà été surexploité dans le jeu vidéo. Surtout en proposant des combats tactiques au tour par tour et en y ajoutant une ambiance surnaturelle… Fracassé à sa sortie il y a quelques mois, Hard West a été abondamment patché depuis. Je n’ai pas osé le lancer alors, je profite de ces correctifs pour découvrir le jeu et c’est donc de la dernière version en date que parle cet article.

La campagne se découpe en scénarios aux gameplays sensiblement différents dans lesquels on aura en main la destinée de plusieurs personnages. Avec ou sans compagnons, on vivra leur descente aux enfers. Warren, le personnage principal de la campagne, n’a pas de bol. Sa mère est enlevée dans le tutorial, son père est maudit et lui-même va galérer dans la vie.

L’ambiance est désespérante, les malédictions se chopent plus facilement qu’une IST et les derringers sortent de sous les jupons : bienvenue dans la banlieue ouest, ici c’est pas la petite maison dans la prairie.

L'écran titre, classe pour un jeu de 1999. Ah pardon, 2015.
L’écran titre, classe pour un jeu de 1999. Ah pardon, 2015.

La balade se déroule sur une carte d’un far-west cliché avec ses cactus, ses villes fantômes, ses charlatans et ses mines d’or. Le décor qu’elle propose n’a pas grande influence sur nos déplacements, seuls les points d’intérêts prévus par le scénario sont accessibles. On effectue diverses actions, on rencontre des marchands et on fait avancer le scénario aux objectifs variés mais qui reste principalement linéaire.

Si elle donne l’impression d’être en présence d’un monde « ouvert » puisque le joueur décide quels lieux il ira visiter, il n’y a bien qu’un seul chemin à suivre pour déclencher la suite. J’ai déjà vu pire comme procédé même si la navigation n’est pas très intuitive, la faute à l’interface particulièrement limitée. Le jeu souffre de l’absence de journal de bord qui permettrait de retrouver une info lâchée par un pégu lors d’une rencontre aussi peu mémorable que les autres et qui est soudain nécessaire pour résoudre une énigme ou encore de noter quel marchand propose quoi.

La fameuse carte du monde.
La fameuse carte du monde.

Un manque de profondeur regrettable car les différents scénarios proposent tous un système différent : dans l’un il faudra exploiter des mines d’or pour récupérer une certaine somme, dans un autre rassembler les pièces d’un mécanisme et même devoir compter ses déplacements et la nourriture de son groupe, ajoutant un système de gestion absent par ailleurs. C’est rafraichissant, chaque scénario se joue différemment, l’idée est louable et permet de ne pas ressentir de lassitude trop vite.

Quand on a visité les sites dans le bon ordre, on déclenche une bataille dans quelques décors distincts : une ville de pionniers, un fort retranché, une prison mexicaine… Cette phase étant la conséquence de nos actions sur la carte, elle est primordiale et pourtant pleine de défauts.

On se trouve en présence d’un module « à la XCOM », avec deux points d’action. On peut en gros se déplacer pour se mettre en position, utiliser un objet ou faire feu en utilisant ou non une compétence (faire un ricochet, tirer une balle magique qui traverse les murs…). A noter que tirer sans bouger terminera le tour de votre personnage.

Des bugs graphiques à en perdre la tête.
Des bugs graphiques à en perdre la tête.

Une des particularités que l’on découvrait lors des trailers était la possibilité d’utiliser le décor pour se protéger, en renversant une table, en ouvrant une trappe de cave… C’est intégré à la pioche et ça ne sert que rarement car de nombreux couverts sont disponibles, mais avec un meilleur game design, l’idée aurait pu être intéressante surtout dans un jeu tactique.

Toute la difficulté de ces combats consiste à comprendre les angles de tir et le système de couverture. Parfois on pense être à l’abri d’un ennemi et on prend une balle qui traverse les murs, parfois on est sûr d’avoir pris le rascal à revers mais un mur bloque le tir… Et ce n’est pas la caméra mal foutue qui ne permet une rotation qu’à 90° sans aucun zoom qui nous aide à prendre nos décisions.

L’armement est plutôt rigolo, on trouve les classiques six-coups et derringers mais le studio s’est amusé à multiplier les barillets et les canons pour proposer des armes improbables, comme ce pistolet muni d’une dizaine de barillets, ce fusil avec quatre canons, ces gatlings portatives ou ce fusil décoré d’un bras de squelette… Arsenal original à défaut d’être moddable : il manque la possibilité de personnaliser les armes pour véritablement les rendre intéressantes ; dans les faits on se contente souvent de prendre celle qui fait le plus de dégâts.

L'ambiance est quand même sympa.
L’ambiance est quand même sympa.

Un des points les plus décriés à la sortie était le tir de réaction automatique des ennemis qui offrait un avantage ridicule à l’IA puisque le  joueur n’en bénéficiait pas. On voyait donc ses damnés se faire trouer la peau sans pouvoir rendre la pareille lors du tour des desperados d’en face. La première chose à faire en lançant un scénario : enlever cette option, ce qu’il est maintenant possible de faire grâce à un patch réclamé par les joueurs. Au moins, le studio a fait l’effort de proposer une correction à ce déséquilibre.

L’inconvénient, c’est que sans cet avantage, les ennemis se font descendre un peu trop facilement. Si l’on est toujours en infériorité numérique au début d’un combat, l’IA se laisse déborder, se met à couvert au mauvais endroit, n’utilise que très rarement ses objet et ignore l’existence de compétences spéciales. On progresse donc sans trop transpirer et sans vraiment vibrer. Vu que tout est scripté, certaines scènes sont intéressantes lorsque les rebondissements scénaristiques viennent perturber les règles du jeu mais globalement la difficulté principale reste ces lignes de vue aléatoires pour ne pas dire complètement pétées.

Le fameux coup du ricochet.
Le fameux coup du ricochet.

On peut personnaliser nos personnages avec ces cartes de poker que l’on récupère lors de nos balades pour leur accorder des bonus. On peut également créer des mains de poker (paires, brelans, suites…) qui accordent un avantage supplémentaire. Dommage que le tirage des cartes soit scripté, on ne peut que s’adapter à ce qui nous est offert sans pouvoir mettre une vraie tactique en place mais le système est original et correspond parfaitement à l’ambiance.

L’écriture est malheureusement inégale. Toujours racontée au passé, ce qui ne rend pas l’histoire facile à suivre, elle n’offre que de très rares choix (pour souvent accorder un bonus en échange d’une blessure temporaire dont on se débarrassera contre de l’argent chez le charlatan du coin) et se contente de faire avancer le scénario. Suivre la littérale descente aux enfers de Warren et de son père n’est pas un mauvais moment à passer mais le style est peu inspiré. Les scénarios parallèles sont plus animés, avec des rebondissements, des traîtres, des démons et un inquisiteur corrompu, sans pour autant sauver l’ensemble.

Hard West n’est pas le naufrage auquel je m’attendais en lisant les reviews, caché sous la couette et avec une lampe torche tellement elles faisaient peur. Ce n’est malheureusement pas le XCOM au far-west dont on rêvait en voyant la campagne Kickstarter.

Bourré d’idées avec ces scénarios complètement différents les uns des autres, ces cartes de poker, ces armes loufoques, il lui manque un outil capable de vraiment les exploiter, un game design plus cohérent pour mieux imbriquer tout ça et un brin de talent pour l’enrober d’une histoire épique et passionnante. Le module tour par tour est dans la même veine avec un défaut plus violent que les autres : ces lignes de vue pondues par une taupe presbyte qui gâchent le plaisir.

Si les développeurs ont su réagir pour le patcher profondément, ils n’ont pu sauver un jeu sorti à l’état d’épave toute pétée. Encore un jeu qui aurait pu se faire une place auprès des références du genre mais qui finira oublié de n’avoir su faire mieux avec des idées intelligentes.