Chapitre 8 – Le dessous des cartes

Quiconque a déjà lancé quelques jeux sur Steam s’est déjà retrouvé avec une ou des cartes dans son inventaire. Rarement jolies, jamais obtenues en fonction de nos actions dans le jeu (à la différence des succès), quel est donc leur intérêt ?

Une réponse courte ressemblerait à : aucun.

Merci d’avoir lu cet article.

Ah, il faut que je développe ? Avec un peu plus de mots : vous avez trois options.

  1. Les garder dans votre inventaire

Logiquement, vous devriez pouvoir les stocker ad vitam aeternam (ou usque ad mortem Steam. Bon, ça ne veut absolument rien dire, mais je trouve que c’est assez dans le ton). Si vous jouez régulièrement à des jeux différents, vous devriez bien vite vous retrouver noyé dans une masse informe de cartes en ouvrant votre inventaire mais rien ne vous oblige à les consulter. Il est tout à fait possible de survivre sans s’y intéresser, s’il vous prend l’idée étrange de jouer à vos jeux plutôt que de vous promener dans l’interface de Steam.

L’inconvénient, c’est qu’il n’est pas impossible de voir débarquer les rapaces vos amis Steam qui vous demandent de leur donner vos cartes sans aucune contrepartie à part un condescendant : « mais t’en fais rien de toute façon ! » Z’aviez qu’à mieux choisir vos amis.

  1. S’en servir pour fabriquer des badges

Des badges ? Comme les scouts ? Un peu. Il s’agit là aussi d’afficher publiquement ses trophées. Dans le monde des collectionneurs d’objets virtuels, les moyens d’élargir sa péniche sont nombreux. La subtilité, c’est que ce ne sera pas gratuit.

En jouant, on peut récupérer un nombre de cartes variable selon les titres. Par contre, ce ne sera jamais suffisant pour compléter un badge et il faudra se procurer les cartes manquantes. S’il existe des sites facilitant l’échange de doublons (oui, il est théoriquement possible de récolter quatre fois la même carte. Ça m’arrive régulièrement d’ailleurs, mais je pense que Steam m’en veut depuis que j’ai commencé cette aventure intérieure), les plus pressés pourront acheter les cartes qu’il leur manque. Mais on en reparlera.

L’objectif, à part faire joli ? Augmenter son niveau Steam (quoi ? Je n’en ai jamais parlé ?…) et ses chances de droper des packs de cartes, des fonds d’écran et des émoticônes pour le chat Steam. Items qui peuvent se revendre, serpent qui se mord le cou.

Donc il faut dépenser des petits euros pour pouvoir acheter des machins virtuels pour augmenter ses chances de gagner d’autres petits machins virtuels que l’on peut revendre. De savants calculs de rentabilité ont été faits, le résultat n’est pas probant. Et c’est sans prendre en compte le temps qu’il faut y passer.

Bon, je suis mauvaise langue, il est possible de procéder uniquement par le troc pour parvenir au même résultat. Mais on ne s’épargne pas le calcul du temps passé uniquement à chercher les cartes qui nous manquent sur les sites dédiés ou dans les inventaires de ses amis (même si personnellement j’ai réglé le problème en purgeant ma friendlist des acharnés de l’échange).

Ce qui nous amène à la troisième solution :

  1. Les revendre aux pigeons

Ce serait dommage de pas en profiter si des gens souhaitent nous débarrasser de nos cartes contre du pognon, non ? Bon, du pognon uniquement utilisable sur le magasin Steam, mais quand même. Centime par centime, accumulez suffisamment de monnaie virtuelle pour vous racheter des machins virtuels ! Si certaines cartes se vendent plusieurs dizaines de centimes, la majorité se trouve à moins de dix centimes. Sauf qu’il ne faut pas oublier la commission…

Valve prélève en effet un pourcentage qui dépend de la valeur de l’item (que ce soit une carte, une caisse CS:GO ou un chapeau TF2) ; pour gagner au moins un centime, il vous faudra le vendre trois centimes, les deux centimes restants finissant dans les caisses de l’empire vaporeux.

Enfin presque : les développeurs ne sont pas absents de ce calcul ; c’est précisément pour cela que même des free-to-play se mettent à proposer des cartes. Sans être devenu une méthode magique pour faire fortune, pondre des jeux faits à la va-vite que personne ne lancera pour réellement y jouer peut quand même rapporter quelques brouzoufs.

Vous vous demandiez pourquoi des jeux à peine sortis inondent les bundles sur tous les magasins en ligne ? Moi aussi. Mais ça pourrait être une réponse ; ce ne sont pas seulement les quelques centimes par bundle que visent les développeurs mais plutôt les revenus espérés sur la vente de cartes. Sans chiffres précis vu l’opacité du système, difficile d’estimer l’efficacité de la stratégie, mais elle pourra difficilement rapporter moins que les ventes du jeu. Acheter un titre qui a écumé les bundles sur le magasin Steam ? Un évènement qui doit se produire aussi souvent que l’achat d’une licence WinRar.

Mais alors, vendre ses cartes, c’est leur donner raison ? Pour dire merde à l’ensemble du système, ne vaut-il mieux pas les stocker en inventaire (sans parler de ne jamais en acheter, évidemment) ? Pourquoi pas. Mais si on se place du côté du vendeur qui se débarrasse de machins inutiles, c’est simplement récupérer quelques centimes sans rien faire ou presque, celui qui entretient le système c’est celui qui achète.

Petit aparté : quand je dis sans rien faire, c’est inexact. Il faut se taper la procédure pénible de Steam et surtout activer la protection SteamGuard sur son compte. Sans cela, il faut attendre 15 jours avant que l’item soit mis en vente sur le marché. Le prix du marché a évolué entre temps et vous souhaitez le modifier ? Pas de souci, ce sera 15 jours d’attente de plus. C’est d’ailleurs valable pour toute transaction, que ce soit une carte, une skin CS :GO ou une clé TF2 (et rien que d’écrire clé TF2, je rajeunis de 3 ans).

Steam a rendu cette protection quasi-obligatoire si l’on souhaite mettre des items en vente rapidement. Elle demande de fournir un numéro de téléphone, ce qu’apprécient toujours fortement les défenseurs de la vie privée. Ah, et il faut disposer d’un smartphone pour utiliser l’application. Heureusement, les hommes de cavernes comme moi qui n’en possèdent pas disposent de solutions comme Winauth dont je me sers personnellement (qui ne dispense pas d’offrir en pâture son numéro perso).

Mon avis très personnel sur le sujet : n’achetez pas de cartes. Ne craftez pas des badges. Jouez plutôt à vos jeux, c’est quand même en général plus fun (je vous l’accorde, pas toujours, mais choisissez-les correctement aussi…). Ne gonflez pas votre bibliothèque de jeux de merde uniquement pour grappiller quelques dizaines de centimes, cela enrichira également Valve et ces développeurs ; le premier gagne déjà correctement sa vie, merci pour lui, les seconds ne méritent pas ces revenus supplémentaires.

Vous récolterez déjà bien assez de cartes en jouant à des jeux qui en valent la peine, vous pouvez toujours les refourguer et utiliser l’argent virtuel pour racheter des jeux qui le méritent. On discute ici de l’écosystème de Steam mais il ne faut pas perdre de vue l’essentiel : le jeu vidéo est un loisir fait pour apporter satisfaction, détente, amusement ou défi (ou énervement, frustration, stress et lassitude, c’est selon, mais je vous ai déjà dit de mieux choisir vos jeux, faites un effort). Passer plus de temps à s’intéresser à des objets virtuels qu’à jouer, est-ce bien sérieux ?

Et comme Steam est plein de surprises, voici un développement intéressant à venir : les conditions d’accès au catalogue vont évoluer. Greenlight va disparaitre pour laisser la place à Steam Direct dont vous trouverez les détails ici. On pourra en reparler, mais sur le sujet qui nous concerne, on peut déjà dire ceci : les cartes ne seront plus droppées qu’à partir d’un indice de confiance déterminé par un algorithme dont les mécanismes ne sont que peu développés publiquement. Un bon coup de pied dans la fourmilière qui rend obsolète une bonne partie de cet article. Merci, Valve.

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